Si son utilisation fut généralisée par Pierre II, dit le Petit Charlemagne, qui régna sur la Savoie de 1262 à 1268, cette orthographe n’est pas née de la fantaisie d’un comte, mais du souci qu’avaient les scribes de distinguer la prononciation du patois de celle du latin. Dès le IXè siècle, des clercs eurent l’idée d’utiliser des consonnes « inutiles » de l’alphabet latin (x et z) pour signaler une prononciation indigène différente de la prononciation latine. Ce procédé d’adjonction de consonnes pour modifier le son latin est d’ailleurs utilisé dans presque toutes les langues romanes. Mais nos clercs l’ont fait à leur manière. Nos terminaisons en z ou en x sont donc purement conventionnelles. Et pas plus bizarre que le z de chez ou le x de chevaux en français.

Rappelons quelques règles simples. Le x final ne se prononce pas. Ainsi, Fernex se prononce Ferney. Le z final ne se prononce pas non plus et indique que la voyelle terminale, atone, se prononce presque comme un e muet, mais en marquant légèrement le son a, o ou u. Mermoz se prononce donc Merme, en marquant très légèrement le o. Lorsque le z final suit un groupe de voyelles tel io ou ia (Marlioz, Verniaz…), ce groupe de voyelles doit être presque atone et mouillé, comme en français le n précédé d’un g est mouillé dans le mot Bretagne. Orthographié façon Savoie, il s’écrirait Bretaniaz. Ce système permet de mouiller toutes les consonnes, ce que ne permet pas le français. Un dernier exemple avec Jorioz, qui se prononce Jo-R-Ye avec accentuation sur le Jor. Et on voit là que notre graphie peut être intraduisible en français car, si l’on remplace ioz par ie, cela donne Jorie (prononcer Jory), ce qui n’est pas du tout la même chose.

Alors de grâce, que ceux qui ont la chance de porter des patronymes bien de chez nous, tel Anthonioz, Neplaz ou Contoz, rappellent à leurs interlocuteurs que cela se prononce Antogne, Nèple ou Conte, et pas Entoniose, Naiplase ou Contose. Le respect de notre Savoie passe par le respect de son orthographe.

Henri Denarié La Voix des Allobroges N°13